Un ballo in maschera (Un bal masqué). 2024 — Dramaturgie

La Varna Opera House, en Bulgaria, a repris la production de 2020 de "Un ballo in maschera" de Giuseppe Verdi, dont j'ai dirigé la mise en scène et conçu les décors, travaillant en étroite collaboration avec le directeur musical Krastin Nastev. Cette fois, la reprise a eu lieu dans le théâtre historique. Malgré les défis découlant de la pandémie, cette production a dû surmonter plusieurs obstacles, car elle a été réalisée juste après les restrictions imposées par la crise sanitaire.

« Le héro, le destin et la rédemption »

Un ballo in maschera est l’un des opéras de Verdi où la trame tient le public en haleine, car tous les éléments de la tragédie classique y sont présents. Le héro meurt pour démontrer la valeur de l’honneur. Verdi nous apparaît plus nécessaire que jamais et nous invite à un voyage à travers la passion, la haine, l’amour, la vengeance et le destin.

Le projet conçu pour Un ballo in maschera, au Théâtre de l’Opéra de Varna, offre une vision qui réunit tous les éléments de l’opéra classique, dans le but de raconter l’histoire d’un destin fatal. La manière très dépouillée dont nous présentons la trame nous est apparue nécessaire afin de faire arriver le message au spectateur de manière claire et nette. La dramaturgie transmettra de manière intégrale la voix de Verdi, sans artifice ni distorsion, faisant corps avec une direction musicale qui poursuit le même objectif : récupérer la tradition et les valeurs verdiennes.

Sur scène, un grand triangle se précipite sur les personnages ; symbole des pouvoirs telluriques, voilà une position depuis laquelle Ulrica augure un final tragique. Au milieu, la porte depuis laquelle le destin nous observe devient un axe terrible et implacable qui extermine la passion et l’amour.

Riccardo, Amelia et Renato forment un autre triangle dont la dissolution est annoncée par la vision d’Ulrica. Bien que les protagonistes et le public essayent de nier le mauvais augure, à la fin l’histoire s’abattra sur nous comme une lourde chape.

Au sein de ce montage, le chœur devient le messager du public et anticipe la tragédie finale que Riccardo et Amelia sont incapables de voir ; à travers ses mouvements sur la scène – un espace qui sera parfois plus proche du public que des protagonistes – il nous ouvrira une porte pour mieux entendre le message.

C’est tout le contraire qui arrive à la pauvre Ulrica qui, tout comme Cassandra, l’incomprise, essayera sans succès de révéler son destin à Riccardo et Amelia.

Un ballo in maschera est une histoire sur la cohérence et sur la manière de pousser les émotions jusque dans leurs derniers retranchements. Point de reproche envers les différents personnages : le fait qu’ils sont fidèles à leurs valeurs conduira l’histoire vers l’inévitable.

Malgré tout, au dernier moment, l’énergie du héro scellera toute tentative de vengeance. Renato oriente le final de cette histoire vers le même point auquel on arrive dans l’Orestie d’Eschyle : le jugement et la bonté triomphent sur l’irrationalité et la soif de vengeance. Dans cette proposition de montage, nous concluons l’histoire en refermant le cercle, et Ulrica émerge vers nous, vers les personnages et vers le chœur, avec un avertissement révélateur : « Il ne faut jamais tenter le destin. La voix de la terre-mère doit être écoutée et respectée ».

L’effort et le dévouement de Renato symbolisent l’énergie avec laquelle les professionnels de l’opéra luttent aujourd’hui avec toutes leurs forces pour maintenir à l’abri le monde des arts, si nécessaires à nos jours, et à la fois si méprisé par une partie de la société. De même que la passion et le dévouement de toute l’équipe du Théâtre de l’Opéra de Varna, il s’agit d’un trésor qu’il faut protéger. En ces temps de crise, Renato est sans nul doute la voix que nous devrions le plus écouter pour ne pas nous perdre dans l’obscurité de la barbarie.

Institution à l’origine du projet : Théâtre de l’Opéra de Varna

Lieu : Varna, Bulgarie

Dramaturgie, régie et mise en scène : Ignasi Cristià 

Avec la collaboration de Jose Castelló

© Photographie : Rosen Donev

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